LE GOLDEN RETRIEVER,
LA LÉGENDE ET QUELQUES RÉALITÉS



         Il est des légendes qui ont la vie dure. Celle des origines russes du Golden Retriever en est une. La réalité veut que l’évolution initiale de cette race soit intimement liée à celle du Labrador et du Flatcoated Retriever, ses deux proches cousins avec qui le Golden partage d’importantes ascendances terreneuviennes. Le Golden Retriever est né à Guisachan, la propriété écossaise de Sir Dudley Marjoribanks, futur premier Lord Tweedmouth.

              Sir Dudley Marjoribanks

Tout comme le Labrador et le Flatcoated, il est tout droit issu de la nébuleuse des Wavycoated Retrievers, ces descendants des chiens importés de l’île de Terre neuve au début du XIXe siècle et que l’on nommait ainsi en raison de leur robe faite de poils non bouclés pour bien les différentier de leur grand rival de l’époque, le Curlycoated Retriever. Retour sur quelques lignes d’archives classées dans le huitième groupe de la société internationale de cynophilie avec les chiens leveurs de gibier et les chiens d'eau.

         En 1912, le colonel W. Le Poer Trench, un autre éleveur des toutes premières heures, signe un article consacré au « Yellow Retriever ou Russian Retriever » dans la revue « The field ». L’auteur y raconte comment, en 1858, assistant à un spectacle de cirque à Brighton, Sir Dudley Marjoribanks eut le coup de foudre pour des chiens venus du Caucase russe qui y donnaient un numéro. « Il acheta tout le lot sur le champ et au prix fort et se lança sans attendre dans l’élevage de cette race. Il attachait tant de valeur à ces chiens qu’il décida que jamais aucune femelle ne serait cédée ou vendue et que, seul son chenil et celui de son neveu, Lord IIlchester, seraient autorisés à élever cette race. Mais à trop abuser de la consanguinité, la race vint à s’affaiblir et à présenter de graves défauts physiques dans les années 1880 ». Il fallait donc du sang neuf et où mieux le trouver que dans le pays d’origine. L’article nous dit que Lord Tweedmouth se serait rendu en Russie pour retrouver de nouveaux chiens mais que ses recherches furent vaines. Il décida donc d’effectuer des croisements avec des Bloodhounds. « Il en résulta des chiens certes plus vigoureux mais ayant perdu une grande partie de la pureté originelle de la race avec l’apparition de crânes plus larges et surtout, de robes rouges foncées. Nombreux furent les produits de ces croisements qui furent dispersés chez les gardes des propriétés voisines ».

         En 1882, le colonel Le Poer parvient à se procurer un mâle né à Guisachan et dont les qualités étaient telles qu’il décida de le faire reproduire. Mais où trouver une femelle de race pure ? Persuadé que cette race vient de Russie, il envoie à l’un de ses amis qui résidait là-bas une photo de son chien, le chargeant de rechercher des femelles de la même race mais la sentence tombe : « Race inconnue ! ».
La chance lui sourira à Londres. Lord Tweedmouth y fait un séjour et les deux hommes, qui ne se connaissent pas, se croisent à Hyde Park. Lord Tweedmouth voyant le chien du colonel lui demande : « Excusez moi mais, ne serait-ce pas un Yellow Retriever ? » S’entendant répondre « Oui ! », il s’exclame : « Mais c’est ma race ! ». Suite à cette rencontre, les deux hommes se lient d’amitié. C’est ainsi que le colonel Le Poer obtient une femelle née chez Lord Ilchester, nommée Sandy : « Cette chienne avait été sélectionnée avec soin par Lord Tweedmouth en personne. Il choisi cette chienne en raison de ses nombreuses qualités naturelles et parce que la couleur crème clair de sa robe trahissait la pureté de ses origines ». Le résultat de ce croisement sera cependant une cruelle déception. Tous les chiots accusent des traits des croisements passés avec le Bloodhound et, malgré qu’ils témoignent par ailleurs de qualités intéressantes, ils sont considérés comme impurs et inaptes à la reproduction. Ils sont tous cédés à des amis chasseurs.

         La fin de l’article nous apprends que pour poursuivre son élevage dans son chenil de St. Hubert, notre colonel préféra par la suite rechercher des femelles chez les gardes chasse de la région portant son choix sur des chiennes aux qualités de retriever confirmées et porteuses d’une robe jaune la plus claire possible considérée comme garante de la pureté originelle de la race.
Il est intéressant de citer ici un livre français « Retrievers et Spaniels », écrit en 1931 par un auteur dont seules les initiales E.E. nous sont connues. Sa façon d’introduire le chapitre sur les retrievers est si savoureuse que je ne résiste pas au plaisir de vous la livrer in extenso, même si elle nous éloigne momentanément de notre sujet : « Le retriever est un chien du dix-neuvième siècle, mais il serait difficile à préciser la date exacte de son début. L’idée généralement acceptée est que c’est un produit du croisement entre le Labrador et le Water Spaniel, avec un bon grain de sang de Setter dans les variétés à poil plat. Le Labrador Retriever est d’origine beaucoup plus ancienne que le Retriever anglais ordinaire, ayant été connu et importé en Angleterre pendant le premier quart du siècle dernier. Cependant le fils métis a entièrement devancé le chien de sang pur. Il existe en Angleterre cinq variétés de retrievers : poil plat ; poil frisé ; labrador ; Golden ; Jaune Russe » Du Retriever Jaune Russe, il dit : « Afin d’éviter les mauvaises conséquences d’une consanguinité poussée à outrance, on dit que Lord Tweedmouth pratiqua le croisement de ses Retrievers Russes avec un Bloodhound et un Setter Irlandais, mais ceci eut lieu il y a si longtemps déjà que les Retrievers Russes actuels peuvent être considérés comme de race pure….. De nuance fauve jaune riche, devenant plus foncée sur le dos et exhibant des teintes plus claires, de crème, sur les flancs, jambes et ventre. Tout mélange de blanc pur doit être désapprouvé, mais très souvent la couleur devient de nuance très claire sur les pieds. Les nuances rouges plus chaudes, que l’on rencontre chez des chiens où un croisement avec du Setter Irlandais ou du Bloodhound a été admis sont préjudiciables car elles indiquent clairement qu’on a eu recours à un tel croisement ».
Le cas de notre malheureux Golden est expédié en quelques lignes : « On admet que cette variété prend sa source à la même origine, mais, tandis que les Retrievers Jaunes Russes sont présumablement descendus de ces chiens avant leur croisement avec le Bloodhound, les Golden Retrievers descendent de ces chiens après ce croisement ». Et de la couleur il nous dit : « D’or riche, ne doit pas être aussi foncé que celui de l’Irish Setter (en anglais dans le texte) ou de crème. Quelques poils blancs sur la poitrine ou orteils sont permis, mais collier ou pied blancs ou ligne blanche à travers le visage doivent être pénalisés ».

        On sait aujourd’hui que les origines russes ne sont qu’une légende, légende dont certains pensent qu’elle fut construite de toute pièce par le père de la race lui-même pour en cacher les origines « roturières ». La vérité, nous la devons aux efforts obstinés de Madame Elma Stonex (photo ci-contre) qui passa plus de dix ans à étudier les registres de chenil de Guisachan, et au 6e Lord IIlchester, le petit neveu du premier Lord Tweedmouth. Nous lui cédons à présent la parole au travers de larges extraits d’un article qu’elle écrivit en 1964 pour le bulletin annuel du Golden Retriever Club of Scotland et intitulé « Ten years research into Golden Retriever ancestory ».


Je suis heureuse d’avoir l’opportunité de parler ici de l’histoire de notre race, ce d’autant plus qu’elle eu lieu ici en Ecosse et que, au cours de ces dix dernières années, de nombreuses nouvelles informations ont vu le jour. Dès 1952, des faits indiscutables commencèrent à être publiés, mettant à jour un véritable puzzle dont l’achèvement fut long et qui ne fut reconnu qu’en 1960 par le Kennel Club. J’écris ses lignes pour le futur et pour tous ceux qui abandonneront à contrecoeur la vieille et romantique histoire faisant des Golden retrievers, de façon tout à fait infondée, des descendants de chiens de cirque russes….
Il ne fait aucun doute qu’il existait en Russie, depuis plus d’un siècle, un chien ayant quelques

ressemblances avec le Golden Retriever. Olivier Goldmith en 1847 et le général Hutchinson deux ans plus tard parlaient du Russian Dog, le décrivant comme ressemblant à un Setter Anglais à poil dur. Plus tard, Stonehenge puis en 1890
William Lort, une autre autorité en matière de cynophilie, donnaient leur description, très enthousiaste, du Russian Setter. Ils en décrivaient deux variétés, l’une à la robe fauve et au poil plat et l’autre, au poil bouclé et de couleur foie que l’on trouvait surtout à l’est de la Russie. Le lieutenant colonel Halsebrook , qui posséda après guerre un champion Golden Retriever, me racontait qu’il avait chassé en 1919 avec des chiens ressemblant à des Goldens en Sibérie et au sud de la Manchourie. Le premier à parler des origines russes du Golden fut le colonel Le Poer Trench qui posséda son premier Yellow Retriever en 1883. Il se fit le défenseur de cette thèse sans aucune preuve, aussi loin que l’on puisse remonter, de la moindre importation de chiens étrangers. Ses certitudes reposaient sur les dires de certains gardes de Guisachan qui évoquaient une telle importation en 1858. De même, Mrs. Charlestworth défendit cette thèse dans son ouvrage consacré au Golden, sans tenir compte du fait que le dernier Lord Illchester lui disait qu’elle était dans l’erreur, ancrant durablement cette idée dans l’esprit du public. Il y eut pourtant, de tous temps, des arguments émis par des cynophiles avertis et qui laissaient à penser que les faits avaient été plus simples dans la réalité et que le Golden Retriever descendait de quelques rares spécimens de chiens de chasse à robe jaune nés de Wavycoated Retrievers noirs. Un bon nombre d’évidences allaient dans ce sens…..

Nous et Ducan Mac Lenan, garde à Guisachan (1872)

En 1952, le sixième et dernier Comte d’Illchester, historien et sportsman, écrivait un article sur les origines du Golden Retriever pour la revue Country Live. Il y révèle que son grand-oncle, Sir Dudley Marjoribanks, reconnu comme étant le créateur de la race, avait tenu dès 1835 un registre de chenil écrit de sa propre main où il recensait en détail tous les chiens, quelle qu’en soit la race, qui séjournèrent dans son chenil, ainsi que toutes les unions qui y avaient été réalisées. On y trouve la preuve que la vieille histoire des six ou huit chiens russes, venus d’un cirque et arrivés à Guisachan, dans l’Inverness-Shire, en 1858 ne peut être tenue pour vraie. En effet, jusqu’en 1866, il n’y eut jamais plus de quatre retrievers de recensés au chenil et de plus, il n’y est jamais fait mention d’une quelconque importation de chiens étrangers. Si l’arrivée d’un si grand nombre de chiens étrangers avait été réelle, elle aurait été clandestine. Le troisième Lord Tweedmouth, Mr. Croxton Smith, rapporte que son grand-père lui avait dit que son premier Yellow Retriever était l’unique chiot de cette couleur né dans une portée de wavycoateds noirs. Il l’avait acheté chez un cordonnier de Brighton qui l’avait lui-même acquis auprès d’un garde chasse de Lord Illchester, le neveu de Lord Tweedmouth. Ce chien, nommé Nous, arriva à Guisachan en 1865 et fut enregistré comme suit dans le registre de chenil : « Race Lord Illchester, né en juin 1864, acheté à Brighton ».

Lord Illchester avait-il ramené des chiens à son retour de la guerre de Crimée et Lord Tweedmouth apprit-il que Nous en descendait ? Ce serait la seule relation qu’on pourrait établir avec la Russie, une simple hypothèse pour essayer de comprendre comment la légende russe a pu naître. Dans ce registre de chenil furent également enregistré trois Tweed Water Spaniels (NDLR : race aujourd’hui disparue) dont Belle, une chienne offerte à Lord Tweedmouth en 1867 par monsieur David Robertson chez qui elle était née à Ladykirk sur les bords de la rivière Tweed. Elle fut unie à Nous en 1868 et donna naissance à quatre chiots jaunes qui furent les racines de la race Golden Retriever.
Le dernier Lord Illchester nous dit que ni le Kennel Club, ni le muséum d’histoire naturelle ne put le renseigner sur les Tweed Water Spaniels. Il accorda donc beaucoup d’importance à la description d’un Water Dog que j’avais découvert au cours de mes recherches et que je donnais pour être un Tweed Water Spaniel dans mon livre sur le Golden. Je l’avais découvert dans le livre écrit en 1815 par Richard Lawrence, où il décrivait un chien ressemblant à un grand Spaniel et qui était utilisé à la chasse au gibier d’eau sur les côtes bordant la frontière (NDLR : il s’agit de la frontière entre l’Ecosse et l’Angleterre, marquée par la rivière Tweed qui se jette dans la Mer du Nord). Il écrivait : « Le long des côtes rocheuses aux pentes épouvantables qui bordent la frontière près de Berwick, les Water Dogs ont été croisés, à titre expérimental, avec des chiens venus de Terre-Neuve. Ces descendants des Water Spaniels avaient des robes de couleur foie, étaient les plus rapides à la
nage et les plus enthousiastes dans le pistage des oiseaux ». Plus tard, j’ai trouvé dans un livre de Stonehenge où il parlait des Water Spaniels, qu’on décrivait, à coté de la variété irlandaise et anglaise, la variété Tweed Water qu’on pouvait parfaitement comparer à un petit retriever anglais commun de couleur foie. En 1881, Dalziel écrivait encore :« ….qu’une variante de l’Irish Water Spaniel était connue sous le nom de Tweed Water Spaniel ainsi nommée puisqu’elle tirait ses origines de la rivière de même nom. Ces chiens étaient de couleur foie pâle et leur robe était faite de poils aux boucles si intimement liées qu’on pouvait penser qu’ils étaient issus du croisement avec un chien au pelage lisse et soyeux ». Je rappelle que les spécialistes entendent par couleur foie toutes les teintes sable allant du jaune au marron.
Et finalement, monsieur Stanley O’neil, grand connaisseur de l’histoire des retrievers m’écrivit une lettre passionnante : « Cela va vous étonner mais je m’intéresse au Tweed Water Spaniel depuis 1921. Mais je n’avais jamais songé un moindre instant qu’il puisse avoir un quelconque rapport avec le Golden, jusqu’à ce que je lise l’un de vos articles ». Son père avait été, de 1899 à 1906, intendant du port de pêche de Grimsby. Ensemble, ils avaient visité de nombreux ports en Angleterre et en Ecosse. Ils avaient ainsi vu des centaines de Water Dogs qui séjournaient sur les navires aux alentours de Grimsby et de Yarmouth. Ces chiens étaient connus pour être entrés dans la recette de fabrique du Curlycoated Retriever au tout début des années 1800, contribuant à renforcer leurs aptitudes de rapport à l’eau.
« Mon oncle élevait des Curlies et dans mon enfance, la côte se résumait pour moi à un monde rempli de Curlycoateds….. En 1903, je vis au nord de Newcastle, un homme qui pêchait le saumon avec un filet. Il était accompagné d’un chien dont je ne pouvais distinguer si la robe était bouclée ou ondulée. Il était de teinte fauve mais son poil était si mouillé et sale que je ne pouvais en déterminer la couleur exacte. Fort de mes connaissances, je lui demandais s’il s’agissait d’un Water Dog ou d’un Curlycoated. Il me répondit que c’était un Tweed Water Spaniel. Cette race m’était inconnue et j’eu la désagréable impression qu’on se moquait de moi. Je trouvais qu’il ressemblait à un Water Dog brun et avait bien plus le type retriever que le type spaniel. Je lui demandais s’il venait d’un navire et je me vis répondre qu’il venait de Berwick. Près de 20 années plus tard, des habitants de Berwick m’apprirent que le Tweed Water Spaniel et les Water Dogs que j’avais jadis observés sur la côte étaient en fait identiques, la seule différence étant que les couleurs brun et jaune prédominaient le long de la rivière Tweed ».
Tenant compte de ces descriptions, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Lord Tweedmouth choisit d’utiliser ces chiens pour bâtir sa race de Yellow Retrievers. Mais revenons à nos quatre chiots nés de Nous et de Belle, à moitié Wavycoated au pedigree inconnu et à moitié Twedd Water Spaniel. Le seul mâle, Crocus, fut offert à Edward Marjoribanks, le second Lord Tweedmouth. Cowslip et Primrose restèrent à Guisachan et Ada fut offerte à son neveu, le cinquième Comte d’Illchester. Ada fut à l’origine de la lignée Illchester au sein de laquelle, des croisements avec des retrievers noirs furent fréquents. On disait alors que l’union d’un mâle noir et d’une femelle jaune faisait naître des chiots jaunes alors que l’union d’un mâle jaune et d’une femelle noire produisait des chiots des deux couleurs.

Rencontre de Goldens devant les ruines de Guisachan (29 juillet 2006)

En 1959, la petite fille de Lord Tweedmouth, Lady Marjory Pentland, eu la bonté de me prêter un certain nombre de documents familiaux dont le précieux registre de chenil de son grand-père. Il me fut ainsi permis de constater avec quelle minutie il avait retracé l’évolution de sa race jaune, depuis sa première portée en 1868 jusqu’à l’année 1890, année où prend fin le registre. En 1873, Cowslip fut unie à Tweed, un autre Tweed Water Spaniel issu du chenil de Ladykirk et, quatre ans plus tard, une des filles de cette portée, Topsy, fut unie à Sambo, un retriever noir. De cette portée fut gardée Zoé qui fut saillie par Jack en 1884. Jack était né de sa grand-mère Cowslip et de Sampson, un setter rouge. Deux de leurs chiots jaunes furent Nous, un second Nous, et Gill, dans les ascendants desquels on retrouve Cowslip et Tweed à trois reprises en quatre générations. Il parut alors évident à Lord Tweedmouth qu’un apport de sang extérieur s’imposait et, en 1887, il unit Gill à tracer, un frère de portée du célèbre Wavycoated noir Ch. Moonstone. Dix chiots noirs virent le jour !
Mais peut-être ce résultat ne fut-il pas inattendu. Quoi qu’il en soit, il eut à nouveau recours au line-breeding en mariant Queenie au second Nous qui était frère de portée de la mère de Queenie. La portée comprenait deux chiots jaunes, Prim et Rose, qui furent les deux derniers chiots recensés dans le registre de Guisachan en 1889. Lord Tweedmouth mourut le 4 mars 1894.
Il faut bien garder à l’esprit qu’à coté des chiens gardés dans les chenils respectifs de Lord Tweedmouth et de Lord Illchester, il y avait quantité de chiens qui furent cédés par Lord Tweedmouth à ses gardes et aux propriétés voisine ou offerts à des amis en Angleterre et dans d’autres régions d’Ecosse. Il ne fait aucun doute que ces chiens furent croisés avec des Wavycoateds, des Curlycoateds et des Setters Irlandais, leurs chasseurs de maître n’ayant que faire des pedigrees car seules comptaient pour eux les aptitudes à la chasse.
Au tout début des années 1890 fut réalisé un croisement avec un Bloodhound de couleur sable. Le dernier Lord Illchester avait vu le billet sur lequel fut noté cet apport de sang et il me racontait avoir connu les premiers produits de ce croisement à Guisachan. Il s’agissait de grands chiens à la robe foncée, très puissants mais laids et au caractère souvent belliqueux.
Malheureusement pour nous, le second Lord Tweedmouth n’a laissé aucune traceécrite de son activité d’élevage à Guisachan entre 1894 et 1905, année où le domaine fut vendu. Jeune homme, lui avait été offert Crocus, issu de la toute première portée, et il était aussi le propriétaire de Sampson, le setter rouge et de son fils, jack, tous deux utilisés par son père dans son programme d’élevage. Plus tard, alors qu’il résidait à Bushey dans le Hertfortshire, son nom fut mentionné dans le premier volume du livre des origines du Kennel Club comme possédant un retriever de couleur foie, Sultan, né en 1867 de Moscow, un chien de couleur foie lui-même né d’un Tweed water Spaniel. En cette même année 1867, le registre de chenil de son père mentionne un chiot femelle qui lui fut offert par un habitant de Bushey et dont j’ai l’intime conviction qu’elle était soeur de portée de Sultan. Nommée Alma, elle fut placée à Aultbeath et ne réapparut qu’une seule fois dans le registre en 1869 lorsqu’elle eut des chiots avec Garry. Garry descendait de Paddy, un retriever acheté à Brighton en 1854, et de Gyp qui était née à Guisachan en 1859. On m’a souvent demandé si le nom de Moscow ne pouvait pas être le point de départ de la légende des origines russes…..En tous cas Moscow ne figure pas dans le registre de Lord Tweedmouth et il ne lui a donc pas appartenu mais était le chien d’un de ses amis. D’ailleurs cette lignée n’a pas du lui convenir car aucun des chiots nés de Garry et d’Alma en 1869 n’est mentionné dans son registre.













         Lady photographiée à Ottawa (1894)

Bien que nous ne disposions d’aucune trace écrite de se qui se passa à Guisachan après 1890, le nom de nombre de chiens qui y naquirent au tournant du siècle nous sont parvenus car ils étaient les parents de chiots qui furent enregistrés au début des années 1900…..
Face à l’opacité qui caractérisa la période allant de 1890 à 1901, année où apparurent les premiers pedigrees, la découverte que je fis dans les documents prêtés par Mrs. Pentland n’en fut que plus excitante. Il s’agissait d’une lettre que lui avait écrite, en 1946, John Mac Lennon, un des gardes de Guisachan. Il y évoque l’élevage de Culham, au premier Lord Harcourt, un des chenils pionniers dans notre race.

Il écrit : «Lord Harcourt a basé toute sa lignée sur deux chiots qu’il m’avait achetés lorsque j’étais à Kerrow House. La mère de ces chiots était Lady, une chienne qui a appartenu à votre oncle, Archie Marjoribanks». Archie Marjoribanks était le plus jeune fils de Lord Tweedmouth. Il partit au Texas en 1890, emmenant Lady avec lui.

Il séjourna avec elle à Ottawa en 1894 avant de revenir en Angleterre en 1897. Lady fut peut-être une fille de Prim ou de Rose, les deux derniers chiots enregistrés par son père, mais nous ne le saurons jamais, tous ceux qui pourraient nous renseigner n’étant plus de ce monde. Mais il est évident que, quels que furent ses parents, ils naquirent à Guisachan et furent les descendants de la lignée originelle de Nous et des Tweed Water Spaniels. Cette lettre est la preuve que toute notre race est issue des tous premiers croisements effectués par Sir Dudley Marjoribanks. Et puis la lignée Culham, Lord Harcourt, fut très présente en amont de quatre unions décisives pour notre race au début des années 1920, notamment par Culham Brass et Culham Copper.

En m’appuyant sur les travaux de James Palmer Douglas consacrés à l’évolution de notre race entre 1900 et 1925, j’ai pu prouver il y a peu de temps que 99% de nos Goldens actuels descendent de ces quatre unions. Lady est donc, avec quelques autres chiens nés à Guisachan, le trait d’union majeur entre tous nos Golden retrievers.

 Culham Brass et un garde

        Nous quittons à présent le texte d’Elma Stonex pour revenir à un témoignage daté de 1941 et signé du 6e Lord Illchester où il nous parle d’Ada qui fut offerte à son père : « Sa tête était large, ses poils longs et soyeux, dont la couleur tirait sur le rouge, mais d’un rouge moins soutenu que celui de nos Goldens actuels. Elle mourut en 1880 ou 1881 ».
Evoquant les chiens du colonel Le Poer, il écrit qu’ils étaient « …Bien plus proches de par leur construction, la texture et la couleur de leurs poils de la race originelle que de la grande majorité des goldens actuels. La couleur pâle était probablement un trait caractéristique des premiers temps de la race, mais sans être couleur crème ou albinos ».
        Il est intéressant de retranscrire la fin de ce témoignage : « Nos lignées et celles de Lord Tweedmouth ont toujours évolué en parallèle et nous procédions à des échanges de sang entre elles de temps en temps. A Guisachan fut également crée une lignée de chiens aptes à pister le cerf et c’est pourquoi, il fut nécessaire d’opérer des croisements avec des Bloodhounds. Ma dernière visite au domaine de Guisachan remonte à novembre 1904, pour chasser la bécasse. Le domaine fut vendu un an plus tard par Sir Edward Marjoribanks, le second Lord Tweddmouth. Il y avait alors encore un vaste chenil là-bas et l’on pouvait y voir quelques grands chiens de la race d’origine, des chiens pisteurs de cerfs et des chiens de petite taille avec le type golden. De quelle source étaient issus ces petits chiens, je ne m’en souviens pas et peut-être même ne l’ais-je jamais su ! J’ai compris, une fois le chenil dispersé, que les chiens les plus précieux avaient été ramenés à Hutton, le château que la famille possédait dans le Berwickshire…..Puis le dernier Lord Harcourt fit son choix parmi les chiens restants. Il élevait des petits spaniels noirs et il emporta les petits chiens. Je n’ai jamais su ce qu’il en fit. Quant aux chiens dont personne ne voulait, et parmi eux les chiens de cerfs, ils furent bradés au nouveau propriétaire du domaine, Lord Portsmouth, ou cédés à des marchands de chiens ». Les premiers Yellow Retrievers seront présentés en exposition outre-manche par Lord Harcourt dès 1908.

        L’année 1913 (attention, certaines sources donnent 1911) sera décisive pour la race.
Le Kennel Club la reconnait en tant que race propre et le Golden Retriever Club of England voit le jour sous l’impulsion de Mrs. Charlesworth (photo ci-contre) et enfin, le premier standard est rédigé. L’appellation officielle Golden Retriever remplacera celle de Yellow Retriever en 1920, ce qui fera enfin voler en éclat la confusion qui régnait alors entre le Golden et le Labrador à robe jaune qui était également appelé….Yellow Retriever !
Le Golden Retriever mettra la patte en France dès le début du XXe siècle. Parmi les pionniers de la race, on retiendra les noms de la Vicomtesse de Quénétain, de la Comtesse d’Orglandes, de monsieur A.M. Wertheimer et surtout, celui du Comte Jean de Bonvouloir qui éleva des Curlycoateds et des Goldens sous affixe « De Saint Jean du Bois ». C’est lui qui le premier, présentera un Golden retriever en exposition dans notre pays en 1925. Il est l’auteur d’un ouvrage célèbre, « Les retrievers et leur dressage » paru en 1948 et réédité en 1991 par le Retriever Club de France. On peut y lire un extrait d’une lettre que le Golden Retriever Club of England envoya en 1930 à monsieur Louis Tabourier, alors président du Retriever Club de France : « Quoique vous fassiez, vous trouverez des retours à l’ancien type Le Poer Trench et Lord Ilchester, et ce, dans la plupart des portées. Ce serait du reste une grande erreur que d’essayer de supprimer ces retours en arrière, car le vieux courant de sang est celui qui est plein de vitalité. Il est donc inestimable pour garder la rusticité de la race. Dans toutes les portées de Goldens, vous trouverez des chiens de couleur claire, d’aucuns plus foncés, d’autres à demi dorés ». Et le Comte de Bonvouloir rajoute : « Pourvu qu’il ne soit pas rouge comme un Setter Irlandais, il n’est d’aucune importance qu’il soit dans une autre graduation des couleurs admises….leur couleur a un immense avantage sur les variétés noires ; elle ne fait pas banderole en battue et est précieuse à la chasse à la sauvagine ».            

 

 

CH IB Yellow Boy de St Jean du Bois et
Gigolo de St Jean du Bois au Comte de Bonvouloir

Traduction et rédaction Jean-Marc Wurtz

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